Ligue des droits de l’homme : " La défense des libertés est devenue le sujet le plus brûlant de la période "

May 03, 2023
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Depuis quelques jours, le procès est instruit, tambour battant. La Ligue des droits de l’homme (LDH) ne serait plus elle-même, elle aurait changé, basculé du côté obscur des forces ennemies de la République, islamistes et autres « écoterroristes »… Les procureurs se bousculent : un ministre de l’intérieur, une première ministre s’activent aux côtés d’une brochette de polémistes toujours prompts à chasser en meute le « droit-de-l’hommiste ». L’un propose que l’on examine de près ses ressources, l’autre enfonce le clou.

Qui a changé ? Certainement pas la LDH. Fondée dans la lutte contre l’antisémitisme et une raison d’Etat prévalant sur les droits de l’homme et du citoyen, elle n’a jamais renié les principes de défense universelle des droits qui la guident depuis cent vingt-cinq ans. Contre la peine de mort, elle a défendu le droit à la vie ; contre l’arbitraire des tribunaux militaires, elle a obtenu leur dissolution ; contre la torture et les traitements dégradants, elle a défendu le droit à un procès équitable. Elle s’est dressée contre l’intrusion proliférante des fichiers, elle a campé aux côtés des indépendantistes kanaks, joué un rôle dans le processus de paix au Pays basque, combattu les violences policières, quels que soient les gouvernements en place.

Elle a fait vivre la fraternité aux côtés des migrants et des sans-papiers, elle combat aujourd’hui pour l’effectivité du droit à l’interruption volontaire de grossesse, accompagne les manifestations pacifiques pour une vraie politique face au changement climatique. La LDH, oui, considère, même lorsque cela dérange les pouvoirs en place, que les droits fondamentaux valent pour toutes et tous. Qu’ils valent donc pour des personnes dont elle n’approuve rien des idées ni des actes, qu’il s’agisse des collaborateurs en 1945 ou des djihadistes d’aujourd’hui.

Etranges « libéraux »

Certes, cela agace ; mais qui a changé ? Certainement pas la LDH, bien au contraire, et c’est ce qui déclenche cette attaque, au caractère réfléchi et qui vise plus large qu’il n’y paraît. Qui a changé ? Celles et ceux-là mêmes qui nous font ce procès, ces étranges « libéraux » qui, par-delà la LDH, mettent en œuvre la mise en cause de l’ensemble des garanties des libertés publiques. Comme s’il s’agissait d’intimider tout acteur indépendant et critique à un moment… tout aussi critique.

La liberté de manifester ? Elle est mise en cause par le durcissement des instructions données aux forces de police et de gendarmerie, y compris à l’égard de citoyennes et citoyens non violents. Cela se traduit par des blessures graves, des mutilations, voire pire, et par une instrumentalisation toxique des forces de police. On assiste ainsi au retour des charges de brigades mobiles à moto, proscrites depuis la mort de Malik Oussekine en 1986, et à un usage disproportionné d’armes qu’aucune autre police européenne n’emploie en pareil cas. A Sainte-Soline (Deux-Sèvres), de nombreux manifestants ont été blessés, dont deux en danger de mort, tardivement secourus.

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Source: Le Monde