La poussée des taux américains fait chuter la Bourse, surtout le Nasdaq, et Fitch n’y est pas pour grand-chose

August 02, 2023
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Par Marjorie Encelot

Publié le 2 août 2023 à 18:00 Mis à jour le 2 août 2023 à 18:47

La Bourse de Paris a poursuivi son recul aujourd’hui, tirée vers le bas par la dégradation d’un cran par Fitch de la note de crédit des Etats-Unis, à « AA+ », justifiant sa décision par « les impasses répétées sur le plafond de la dette » et « les affrontements politiques et les résolutions de dernière minute [qui] ont érodé la confiance dans la gestion budgétaire. »

Le Cac 40 aligne une deuxième séance de baisse d’affilée et, comme hier, a perdu plus de 1% pour terminer à 7.312,84 points alors que, lundi, il avait fait une poussée en séance à plus de 7.500 points, au plus haut depuis le 19 mai. A Wall Street, le Nasdaq Composite des valeurs technologiques, l’indice le plus sensible aux taux, abandonne plus de 2%.

« Plus que la perte du ‘AAA’, les investisseurs réagissent à la crainte d'une remontée des taux longs américains, déjà visible sur la séance d'hier, liée à des anticipations de rebond de l'inflation (dans le sillage de la hausse des cours du pétrole et de matières premières agricoles) et des émissions du Trésor américains records sur les prochaines semaines », réagit l’économiste Christian Parisot pour le courtier Aurel BGC.

Sur le marché secondaire de la dette, le taux des obligations souveraines américaines à 10 ans se tend de plus de 6 points de base à quasiment 4,11%, après un pic à 4,1221%, au plus haut depuis novembre.

L’agence Fitch, qui avait placé la note de crédit de la première économie mondiale « sous surveillance négative » il y a deux mois, rejoint ainsi Standard and Poor’s, qui avait été la première à priver les Etats-Unis de son « AAA », en août 2011. Moody’s est donc la dernière des trois grandes agences de notation à maintenir son triple A sur la dette américaine.

La nouvelle note de Fitch « prend également en compte le ratio prévisionnel dette/PIB qui, selon Fitch, atteindra 118 % en 2025 alors que le ratio médian de la note AAA est de 39% », selon le stratégiste Jim Reid chez Deutsche Bank. « Les rendements des bons du Trésor ont été vendus agressivement hier, avant même l'annonce de Fitch, en raison des inquiétudes liées aux financements à venir. » Le Trésor américain a annoncé que les nouvelles émissions de dette atteindraient 1.007 milliards de dollars au troisième trimestre, avant 852 milliards supplémentaires au quatrième.

« Bizarre »

Il est « peu probable », selon l’économiste Tan Kai Xian, chez GaveKal Research, que la dégradation de la note par Fitch provoque un gros mouvement de vente sur les Treasuries. « Après tout, les bons du Trésor américain restent les collatéraux préférés de la Réserve fédérale pour les facilités de prêt » qu’elle accorde aux banques.

De nombreux économistes se disent surpris par la réaction « à contre-temps » de l’agence Fitch, tout en minimisant sa portée. Alec Philips de Goldman Sachs relève notamment qu’elle « ne repose pas sur des informations récentes ou sur un changement d’opinion notable quant aux perspectives budgétaires »... Oui, enfin, quelques heures plus tôt, le Trésor américain avait tout de même annoncé sa décision d'augmenter ses émissions obligataires trimestrielles pour la première fois en deux ans et demi, constatant notamment que les recettes fiscales avaient été plus faibles que prévu.

L’ancien secrétaire au Trésor de Bill Clinton, Larry Summers, la juge « bizarre et inepte » alors que l’économie américaine semble plus solide que prévu, et Mohamed El-Erian, principal conseiller économique chez Allianz, se dit « perplexe sur plusieurs aspects de cette annonce, comme sur le moment choisi. »

Dans ce contexte, l’annonce de créations d’emplois plus nombreuses que prévu dans le secteur privé américain, confortant le scénario d’un atterrissage en douceur de l’économie, n’a pas été d’un grand soutien pour la Bourse. D’autant que, comme l’indique également Christian Parisot, « les marchés chinois sont déçus des annonces de la part du gouvernement chinois, qui exclut toute idée de plan de relance massif. » Les mesures annoncées jusqu'à présent pour stimuler la consommation, relancer les marchés de capitaux et aider le secteur immobilier en grandes difficultés « sont considérées comme vagues ou trop modérées. Les ministères chinois, les régulateurs et la banque centrale ont promis mardi un soutien financier accru aux petites entreprises et au secteur privé. Mais, il est impossible de mesurer l'impact de ces mesures sur la croissance faute d'indication concrète sur ce qui sera réellement mis en place. De plus, ce matin, la presse chinoise indiquait que certaines municipalités chinoises ont rendu plus difficile l'accès des promoteurs immobiliers aux dizaines de milliards de dollars provenant de la vente de biens immobiliers détenus sur des comptes bloqués. […] Ce durcissement semble aller à l’encontre du plan du gouvernement central chinois. »

L'indice Hang Seng de Hong Kong a chuté de près de 2,5% aujourd'hui.

Parmi les plus fortes baisses du Cac 40, LVMH, très exposé à la consommation chinoise de luxe, a perdu près de 2%.

Worldline (-3,7%), du secteur technologique, signe la plus forte baisse de l’indice parisien.

Source: Investir