Le père Wenceslas Munyeshyaka renvoyé de l’état clérical par le pape François
Le pape François a tranché définitivement le cas de l’abbé Wenceslas Munyeshyaka, curé originaire du Rwanda résidant dans le diocèse d’Évreux. Dans un communiqué rendu public lundi 2 mai, Mgr Christian Nourrichard, évêque du diocèse, a fait savoir que le pape l’avait renvoyé de l’état clérical par un décret daté du 23 mars.
Désormais, le père Munyeshyaka est « dispensé de toutes les obligations découlant de l’ordination sacrée, perd automatiquement tous les droits propres à l’état clérical, est exclu de l’exercice du ministère sacré et ne peut pas fonctionner comme lecteur ou acolyte ni distribuer la communion nulle part. Il doit éviter les lieux où son statut antérieur est connu. » Une « décision suprême et sans appel qui n’est susceptible d’aucun recours » et a effet « immédiat ».
Reconnaissance de paternité
Ce prêtre de la paroisse Saint-Martin de la Risle, à Brionne (Eure) avait été suspendu par Mgr Nourrichard le 3 décembre 2021 après avoir fait inscrire sur les registres de l’état civil de Gisors, « une reconnaissance de paternité sur un fils né en juillet 2010, d’une liaison qu’il a entretenue à Gisors », selon le diocèse.
Rwanda, non-lieu validé pour le père Wenceslas Munyeshyaka
La décision du pape « n’est pas en lien avec le passé de cet abbé, en l’occurrence au Rwanda », il s’agit de « la conclusion d’un dossier en cours » ouvert en décembre 2021, a précisé le diocèse, mercredi 3 mai. Cette mise au point fait référence à son rôle dans le génocide des Tutsis au Rwanda, en 1994, attribué par des rescapées. En 1995, il avait été le premier Rwandais résidant en France visé par une plainte pour sa participation présumée au génocide perpétré contre les Tutsis. Le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) et la FIDH, au nom de rescapés de la Sainte-Famille où exerçait le prêtre au printemps 1994, l’accusaient d’avoir violé des réfugiées, livré des Tutsis aux tueurs et pris part à des exécutions.
Un prêtre ambigu
La procédure avait duré une vingtaine d’années et s’était achevée par un non-lieu prononcé en 2015 par les juges du pôle génocide du tribunal de grande instance (TGI) de Paris, validé par la Cour de cassation en 2019. Les juges du pôle génocide avaient établi l’ambiguïté du comportement du père Munyeshyaka à la Sainte-Famille mais n’avaient pas découvert d’acte substantiel pour le déférer devant la cour d'assises.
« Il célébrait la messe avec son pistolet à la ceinture, il usait d’un vocabulaire très désagréable à l’encontre des Tutsis et avec les Interahamwe (milice génocidaire, NDLR) , il apparaissait trop complaisant », expliquait à La Croix maître Gilles Paruelle, l’avocat des plaignantes qui accusaient le prêtre de les avoir violées. Selon une source proche du dossier, les juges du pôle génocide n’avaient pas douté de la sincérité de l’une d’entre elles mais les contradictions relevées dans son témoignage l’avaient rendu irrecevable auprès d’une cour d'assises. Ils avaient aussi relevé qu’« un certain nombre » de témoins ont attesté « des actions entreprises par Wenceslas Munyeshyaka pour protéger les réfugiés tutsis et les faire échapper au sort que leur réservait la milice ».
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Réfugié à Goma à l’été 1994, Wenceslas Munyeshyaka a été l’un des prêtres signataires d’une lettre à Jean-Paul II dans laquelle le génocide des Tutsis était nié et les Hutus présentés comme les principales victimes des massacres. « Parce que je ne pouvais pas accepter que l’on diabolise les Hutus », expliquait-il à La Croix en 1995. Mis sur écoute en 2014 dans le cadre de sa poursuite judiciaire, il expliquait à l’un de ses interlocuteurs que les FDLR (mouvement armé fondé par les génocidaires hutus réfugiés en RD-Congo) allaient attaquer le Rwanda, et qu’il attendait « ça impatiemment ». Et qu’une fois ses ennuis judiciaires clos, « il allait commencer à travailler sérieusement pour le parti ». En 2006, il a été condamné par contumace à la prison à perpétuité pour crime de génocide par la justice rwandaise.
Source: La Croix