Le nord du Bénin touché par deux nouvelles attaques meurtrières en deux jours

May 04, 2023
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A la frontière entre le Bénin et le Niger, en octobre 2022. BOUREIMA HAMA / AFP

A vingt-quatre heures d’intervalle, deux nouvelles attaques ont endeuillé le nord du Bénin. Lundi 1er mai, vers 23 heures, la première s’est déroulée dans le village de Kaobagou (commune de Kérou, département de l’Atacora). Selon plusieurs sources, des individus armés non identifiés ont fait irruption dans une ferme à une vingtaine de kilomètres de la frontière avec le Burkina Faso. « Une centaine d’hommes sont arrivés, en grande partie sur des motos, et se sont scindés en plusieurs petits groupes, a indiqué au Monde une source locale. Quinze villageois ont été égorgés. Un des corps ayant été piégé avec une bombe artisanale, deux autres personnes ont trouvé la mort. »

Une dizaine de villageois sont également portés disparu. « Ce sont tous de jeunes hommes, assure cette même source. Ont-ils été kidnappés ? Personne ne sait. » Les rafles dans des villages souvent isolés permettent aux groupes armés d’enrôler de nouveaux combattants ou d’obtenir des informations sur les futures zones ciblées. Des clichés, que Le Monde n’a pas pu authentifier, montrent quatre corps d’hommes égorgés, dont un avec les mains entravées dans le dos. « Avait-on vraiment besoin de cette barbarie ? Au nom de quoi ? », s’est indigné sur sa page Facebook Kamel Ouassagari, député d’opposition (Les Démocrates), originaire de Kérou : « Il n’existe pas de mots capables de soulager une telle douleur. »

Les autorités béninoises communiquent rarement sur les attaques qui touchent la partie septentrionale du pays. Jeudi 4 mai, elles ont toutefois fait savoir qu’elles demandaient l’ouverture d’une enquête. Au lendemain de l’offensive à Kaobagou, trois autres personnes ont été égorgées et une quatrième a été enlevée dans le village de Guimbagou (commune de Banikoara, département de l’Alibori). Selon plusieurs témoignages, des familles chercheraient désormais à fuir la zone, où l’armée a été déployée pour procéder à des ratissages.

Un « sanctuaire » au Burkina

Comme la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Togo, le Bénin lutte dans sa partie septentrionale contre la menace croissante des djihadistes qui souhaitent étendre leur territoire vers le golfe de Guinée. Les attaques n’ont pas été revendiquées, mais tous les regards se tournent vers les combattants du groupe Etat islamique (EI) et du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), présents massivement dans la région. « L’intensité et la fréquence des attaques au Bénin s’expliquent en partie par le fait que les djihadistes disposent d’un sanctuaire dans l’est du Burkina Faso voisin, leur permettant de circuler depuis plusieurs années déjà dans les deux parcs béninois du W et de la Pendjari », explique un rapport de l’Institut français des relations internationales (IFRI) publié en février 2022.

En avril, les autorités béninoises ont affirmé avoir enregistré une vingtaine d’incursions de groupes armés sur le territoire depuis 2021. « Lorsque ces criminels essayent de s’implanter et n’y arrivent pas car il y a une réponse des forces de défense et de sécurité, ils s’emploient à vouloir démoraliser les populations en menant des opérations de représailles de cette nature et aussi macabres, a déclaré Wilfried Houngbedji, porte-parole du gouvernement, jeudi au cours d’une conférence de presse. Ils veulent choquer les populations et leur faire croire qu’elles n’auraient leur salut qu’en se ralliant à leur cause. »

En lisière du parc de la Pendjari, le village de Kaobagou apparaît aujourd’hui comme l’épicentre des violences. Depuis le 3 février, dix événements en lien avec des groupes terroristes ou des tensions intercommunautaires y ont été recensés par l’Institut néerlandais des relations internationales Clingendael. Le 12 avril, deux hommes accusés d’être associés aux djihadistes ont été arrêtés à Kaobagou et transférés à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet). Le 28 février, un violent affrontement y a éclaté entre des femmes des ethnies gourmantché et peule, une communauté souvent accusée de collaborer avec les terroristes. Autour du 24 février, c’est un groupe armé non identifié qui a mené une campagne de recrutement à Kaobagou et dans les alentours.

Tensions intercommunautaires

« Le village, par sa position géographique, à proximité de la Pendjari et de la frontière burkinabée, se situe dans l’une des plus importantes zones de passage », analyse Kars de Bruijne, chercheur spécialisé sur les conflits au sein de Clingendael et auteur d’un rapport paru en décembre 2022 : « Il est aussi depuis longtemps soumis à de vives tensions intercommunautaires entre les Peuls et les Gourmantché. Après l’attaque dans la soirée du 1er mai, une autre se serait produite deux jours plus tard. »

Face aux violences, le gouvernement béninois prévoit de recruter 5 000 hommes pour aider ses forces de sécurité à protéger les frontières. Après une formation de base, les nouvelles recrues, âgées de 18 à 30 ans, seront déployées dans quelques mois aux côtés de l’armée dans des régions menacées et déjà soumises à un couvre-feu entre 19 et 6 heures du matin.

Le Bénin pourrait aussi faire appel au Rwanda, dont les troupes ont été déjà été déployées au Mozambique et en Centrafrique. Après des pourparlers l’an dernier, un nouveau palier dans la coopération militaire et logistique entre les deux pays a été franchi en avril lors de la visite de Paul Kagame à Cotonou. « Nous sommes prêts à travailler avec le Bénin pour prévenir tout ce qui peut se produire autour de ses frontières », a déclaré le président rwandais. « Nous irons le plus loin possible [avec le Rwanda] si c’est nécessaire », a ajouté Patrice Talon, son homologue béninois.

Source: Le Monde