Attractivité de la France : toujours la première place en Europe, mais des nuages s’amoncellent

May 11, 2023
359 views

Emmanuel Macron veut accélérer sur la réindustrialisation dès ce jeudi 11 mai 2023, entre annonces de nouveaux projets d’investissements étrangers, notamment à Dunkerque (Nord) vendredi où il sera en déplacement. Avant le sommet Choose France à Versailles (Yvelines), lundi prochain, avec deux cents dirigeants internationaux, dont la moitié n’est jamais venue en France. Cela n’est pas sans lien avec une nouvelle étude de l’attractivité de la France en Europe.

L’enjeu est de taille. Entre 2008 et 2016, la France a perdu 600 usines. Et en a recréé que 300 depuis 2017, dont 200 usines ces deux dernières années. Investisseurs français et étrangers confondus.

Dans cette reconquête, l’attractivité de la France est primordiale. Chaque année, le baromètre réalisé par le cabinet EY la mesure et en dresse une photo.

Pour ceux qui suivent ce baromètre depuis des années, ils se souviennent que le Royaume-Uni et l’Allemagne faisaient la course en tête. Avant que la France opère sa « remontada » de la troisième à la première place en 2018. Début de baisse des impôts de productivité, simplification administrative, développement de l’innovation et de la start-up nation, avaient réussi à lui faire décrocher cette première place. Depuis, elle la garde mais dans un contexte très différent, et, cette année, avec, à nouveau, des nuages qui s’amoncellent sur sa tête.

LIRE AUSSI : Implantations d’usines dans les territoires : « Nous avons tous un devoir moral »

Une fragile première place

En 2022, la France reste le pays le plus attractif d’Europe en nombre de projets d’investissements étrangers avec 1 259 implantations ou extensions annoncées. Elle conserve la première place du classement européen pour la quatrième année consécutive. Le Royaume-Uni affiche 929 projets et l’Allemagne 832. Sachant qu’au global, le nombre d’investissements étrangers annoncés en Europe en 2022 (5 962) n’est en hausse que de 1 % par rapport à 2021.

Côté activités attirées, tous les pans de l’économie sont concernés : services aux entreprises et aux professionnels arrivent en premier avec 171 projets, puis les logiciels et technologies (138 projets), les constructeurs et fabricants de moyens de transport, les équipements industriels, l’agroalimentaire… À noter, en revanche, alors que le chiffre d’affaires de l’e-commerce a augmenté de 33 % entre 2019 et 2022 en France, l’Hexagone subit une forte diminution des investissements dans les plateformes logistiques avec moins 21 % par rapport à 2021. La France paie le manque de foncier et la lourdeur des procédures administratives, que relèvent beaucoup d’entreprises.

Attractivité de la France selon les investissements étrangers en Europe. | OUEST-FRANCE Voir en plein écran Attractivité de la France selon les investissements étrangers en Europe. | OUEST-FRANCE

Chute des emplois et sièges sociaux étrangers

Première place en projets, certes mais pas en emplois. En moyenne, les investissements étrangers créent 33 emplois par projet en France, contre 58 en Allemagne et 59 au Royaume-Uni. Et ces emplois en France sont en majorité pour des extensions d’activités étrangères qui existent déjà. Le Royaume-Uni qui a su fixer 133 sièges sociaux en 2022 ( 70 % des projets), contre seulement 78 pour l’Hexagone (seulement 35 % des projets). L’Allemagne affichant aussi 65 % de nouveaux projets avec sièges sociaux. Un vrai problème reconnaît même l’Élysée :  Oui les centres de décisions viennent moins nombreux en France. Nous avons une stratégie à élaborer pour progresser dans ce domaine.

Et Marc Lhermitte, qui dirige cette étude pour EY, d’alerter : Attention, la France ne recrée pas de stocks de nouveaux projets pour l’avenir. Des explications ? L’enquête qui porte sur 204 dirigeants interrogés entre le 15 février et le 15 mars 2023, montre aussi que les tensions politiques et sociales ont pu conduire les répondants à s’interroger sur la capacité du gouvernement à poursuivre les réformes permettant d’améliorer la compétitivité, réduire la dette et le déficit commercial, soutenir l’investissement made in France , mais également investir dans les infrastructures de santé et d’éducation ».

Le coût horaire du travail en question

La Chambre de commerce américaine en France (AmCham) note par exemple que de profonds efforts restent à fournir en matière de législation sociale, de coût des licenciements et de coût du travail .

La situation apparaît d’autant plus inquiétante qu’à peine 10 % des dirigeants étrangers interrogés prévoient d’implanter ou d’étendre leurs centres de décision en France au cours des trois prochaines années. Comment alors améliorer l’ensemble ? Au regard de la situation des finances publiques et des tensions sociales et politiques, les marges de manœuvre paraissent cependant très incertaines. Et l’agence de notation Fitch qui a abaissé d’un cran la note financière de la France reprend ses arguments.

Des pays du Sud en force

Sans compter un phénomène nouveau : l’attrait des pays du Sud. Devant l’urgence des réorganisations des logistiques sur des territoires plus proches, de la consolidation des plateformes tertiaires et de l’optimisation financière sur fond de crise énergétique et d’inflation, plusieurs pays d’Europe du Sud, comme le Portugal, l’Italie ou la Turquie enregistrent des progressions. Comme Irlande et Pologne qui semblent bénéficier d’un report de projets à cause du Brexit et de la guerre en Ukraine.

Industrie et innovation tirent leur épingle du jeu

Dans ce tableau qui se noircit, l’industrie tire son épingle du jeu. L’industrie est redevenue un moteur de l’attractivité de la France. Cette dernière conserve la première place du classement européen des projets manufacturiers avec 547 projets, devant la Turquie (256 projets) et le Royaume-Uni (175 projets). : 4 projets sur 10 en 2 022 sont une implantation ou une extension d’usine. Un atout ? La disponibilité d’énergie décarbonée qui reste, malgré la crise énergétique actuelle, le principal atout de la France pour les dirigeants industriels. Avec 87 % de production d’électricité décarbonée, notre pays occupe le 3e rang en Europe dans ce domaine, derrière la Suède et la Finlande. En revanche, pour attirer de plus gros projets et gagner en qualité, les investisseurs étrangers appellent la France à faire mieux en matière de coût et de disponibilité des terrains industriels mais aussi en matière d’automatisation et de robotisation

Autre bon point : la France est championne d’Europe de l’innovation avec 144 centres de recherche et développement accueillis, devant le Royaume-Uni et l’Allemagne. Le fameux Crédit impôt recherche et ses fruits ne sont plus à démontrer.

Mais attention note le rapport : Si peu d’investisseurs étrangers ont déplacé leur site de production hors d’Europe pour surmonter la hausse des prix de l’énergie (17 %), le spectre des délocalisations refait surface. La concurrence des États-Unis, où le coût de l’énergie est plus faible qu’en Europe et dont l’attractivité est stimulée par l’Inflation Reduction Act , est désormais forte. Selon une étude récente de La Fabrique de l’Industrie, 155 000 emplois industriels, soit 6 % des effectifs totaux, seraient menacés par cette concurrence et par la mise en place d’une taxe carbone aux frontières de l’UE à partir de 2026 ou 2027.

Les agglomérations moyennes séduisent

Au classement des régions, l’Ile-de-France reste en tête, devant l’Auvergne-Rhône-Alpes et les Hauts-de-France. Normandie, Bretagne et Pays de la Loire, de leurs côtés voient leur nombre de projets chuter respectivement de 8 à 11 %. Mais hors des grandes métropoles, la France séduit les investisseurs étrangers : près d’un projet d’investissement étranger sur deux concerne des zones rurales ou des agglomérations moyennes de moins de 200 000 habitants. À souligner aussi que la Région Paris Capitale passe pour la première fois devant le Grand Londres, illustration de la dynamique hexagonale, mais aussi des atermoiements issus du Brexit.

Avenir incertain

Et l’étude de conclure, en revanche, sur des perspectives à trois ans qui montrent l’inquiétude des dirigeants. Alors qu’ils étaient 74 % en 2021 et 63 % en 2022 à estimer que la situation ne pouvait que s’améliorer, ils ne sont plus que 53 % début 2023.

Pour rappel, selon l’Insee, 16 800 entreprises sont sous contrôle étranger (1 %) en France et représente 1 % de nos entreprises. Elles emploient 2,2 millions de personnes (13 % de l’emploi salarié) et contribuent à environ 20 % du PIB, 25 % de la recherche et développement privé et 35 % des exportations industrielles.

Source: Ouest-France