Un apéro avec Fatoumata Diawara : " Des gens passent des années chez le psy. Moi, je chante "
Fatoumata Diawara, au restaurant Le Petit Poucet, à Paris, le 4 mai 2023. NATHALIE MOHADJER POUR « LE MONDE »
« J’ai un visage bizarre, je le sais. Ce sont peut-être mes yeux », dit-elle en touillant machinalement le Coca qui emplit son verre. On n’aurait pas dit « bizarre », mais plutôt « pas banal ». Entre sa silhouette bien plus grande que la moyenne, ses tresses rouges et les tonnes de colliers qui parsèment sa poitrine, Fatoumata Diawara a quelque chose d’un personnage fantastique.
Ses yeux en amande, la Malienne de 41 ans, qui pratique de multiples arts – elle est à la fois danseuse, comédienne, musicienne et chanteuse –, les a mi-clos ce jour-là, alors que l’heure de l’apéro vient à peine de sonner. Blottie dans une grosse doudoune blanche malgré la douceur printanière, elle lutte contre le sommeil après une nuit sans dormir, passée dans l’avion : elle rentre d’une tournée de trois semaines aux Etats-Unis. « Los Angeles, Phoenix, Portland… On était très attendus », énumère-t-elle, ravie des premières scènes effectuées avec son dernier album, London Ko, sorti le vendredi 12 mai chez Wagram Music (elle donnera d’ailleurs un concert à la Salle Pleyel, à Paris, le 24 mai).
Afin qu’elle reste éveillée, son manageur lui commande soda sur soda. « Ça la fait tenir », souffle-t-il. « Je ne bois jamais d’alcool, pas une goutte, sinon on me perd. L’alcool, ça me casse, je m’endors illico », explique Fatoumata Diawara. Tant pis pour nous, qui fantasmions un petit verre de rosé en plein travail.
Elle a donné rendez-vous au Petit Poucet, place de Clichy, dans le 17e arrondissement de la capitale. Le nom de cette brasserie va bien à cette artiste à l’univers mystique. Et puis, elle connaît comme sa poche ce coin bruyant du nord de Paris, où elle a vécu durant des années avant d’établir son camp de base au bord du lac de Côme, en Italie, avec son mari et ses deux enfants.
Dans le quartier, on l’interpelle souvent. A cause de ses yeux et de son visage « bizarres », donc, croit la chanteuse, qui explique ensuite passer son temps à chanter à tue-tête dans la rue. « Je chante en permanence, je n’ai pas d’autre choix pour survivre », dit-elle d’une voix aussi douce qu’elle peut être puissante et énergique lors de ses balades sur le bitume parisien. On se risque alors à avancer cette hypothèse : c’est peut-être plutôt son timbre qui pousse les passants à l’interpeller.
Elle hausse les épaules. « Les Maliens me hèlent, mais aucun d’entre eux ne connaît mon prénom », rit celle qui se surnomme « Fatou ». Dans son pays d’origine comme partout en Afrique de l’Ouest, elle est connue sous un autre prénom : elle s’appelle à tout jamais Sia. La faute à un personnage de femme légendaire qu’elle a incarné en 2001 dans un film : Sia, le rêve du python.
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Source: Le Monde