Incendies au Canada : l’Alberta continue de brûler et se prépare à l’arrivée d’une forte vague de chaleur
Des arbres calcinés le long d’une route à Entwistle, dans l’Alberta (Canada), le 9 mai 2023. ANNE-SOPHIE THILL / AFP
L’odeur de brûlé sature l’atmosphère, avant qu’une dense fumée blanche vienne brutalement opacifier le paysage. Après avoir été fermée à la circulation pendant cinq jours, l’autoroute 16, qui part d’Edmonton, la capitale provinciale de l’Alberta, pour filer vers l’ouest, est de nouveau accessible aux automobilistes depuis le 10 mai au matin. Quelques heures auparavant, les flammes enjambaient la voie ferrée et venaient lécher l’asphalte. Elles ont laissé derrière elles d’immenses étendues noircies. Les conifères et peupliers trembles sont devenus de lugubres piquets, les panneaux publicitaires du bord de route ont gondolé sous la chaleur et la prairie n’est plus que broussailles grisâtres, d’où s’échappent encore des fumerolles. Vingt-quatre heures sur vingt-quatre, des hélicoptères survolent la zone, prêts à donner l’alerte à la moindre reprise du feu.
Dans cette région située à 120 kilomètres de la capitale, la situation change d’une centaine de mètres à l’autre. Cheryl Harris, la directrice d’un centre aquatique installé sur les rives de la rivière Pembina, vient tout juste d’être autorisée à revenir chez elle. Les yeux mouillés, elle découvre l’ampleur des dégâts. Les entrepôts où étaient stockées les bouées de descente sont réduits à des tas de cendres, les pick-up destinés à les convoyer, transformés en carcasses d’acier nu. « Seize ans de ma vie sont partis en fumée, il va falloir tout recommencer, tout réinventer », murmure-t-elle sans avoir l’air d’y croire, avant d’ajouter, fataliste : « Mais le feu reste le feu, qu’y pouvons-nous ? »
Un peu plus au sud, dans le comté de Brazeau, les habitants ne savent rien encore de l’état de leurs maisons. Comme près de 17 000 autres personnes à travers la province, ils sont toujours sous le coup d’un ordre d’évacuation. Tous les accès vers la ville de Drayton Valley restent fermés ; depuis une semaine, le feu fait rage sur une zone de 78 000 hectares sans que les pompiers parviennent à le circonscrire. Andrew, un pompier de 35 ans (qui requiert l’anonymat), prend un café à la station-service du coin avant de rejoindre sa brigade, le visage marqué par la fatigue après sept journées de travail non-stop. « A chaque fois qu’on croit en venir à bout à un endroit, on le voit resurgir ailleurs. Des saisons de feu, j’en ai connu depuis dix ans, mais comme celle que nous vivons aujourd’hui, non, c’est du jamais-vu », dit-il, effaré par l’ampleur inédite des incendies à combattre.
La situation reste instable
Dans leur quartier général du centre-ville d’Edmonton, où sont coordonnés les secours, Colin Blair et Christie Tucker, respectivement chargés des services d’urgence et des unités de pompiers de l’Alberta, établissent quotidiennement un point des feux en cours. Entrés dans leur deuxième semaine, les incendies régressent lentement, annoncent-ils ; sur les 110 foyers dénombrés au plus fort de la crise le 6 mai, 78 étaient toujours actifs vendredi, dont 24 « hors de contrôle ».
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Source: Le Monde