L’épargne des Français, un " magot " très convoité

May 14, 2023
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DécryptagesLes propositions fusent pour mettre les économies des ménages au service des transitions écologique et énergétique, ou encore de la réindustrialisation. Mais le fléchage de cet argent est une affaire complexe.

L’épargne protège de tout, même du choléra – après tout, cette « épidémie a peu attaqué les personnes qui ont des livrets à la Caisse d’épargne », expliquait sans détour, en 1832, Benjamin Delessert, cofondateur de l’institution. Des propos rapportés par Carole Christen, professeure d’histoire, qui conte, dans Les Français et l’argent. Entre fantasmes et réalités (Presses universitaires de Rennes, 2011), l’épopée des caisses d’épargne, « symbole moralisateur de [cet] argent dépassionné », devenu « source de régénération » pour la société.

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Deux siècles plus tard et à la faveur d’une nouvelle épidémie, on pourrait croire que les Français prennent les dires de M. Delessert au pied de la lettre, quand, début 2020, dès le début de la crise sanitaire, ils épargnent massivement. Plus que d’ordinaire encore. Pas pour se protéger du Covid-19, certes, mais par difficulté à consommer, confinement oblige, et pour se prémunir face à un avenir incertain.

La Banque de France estime à 157 milliards d’euros le surplus cumulé d’épargne financière des ménages depuis début 2020, dont 101 milliards la première année. Et si le taux d’épargne ne dépasse plus les 20 % de leur revenu, comme au plus fort de la crise engendrée par le Covid-19, il reste haut : 17,8 % au dernier trimestre 2022, selon l’Insee, contre 15,5 % au quatrième trimestre 2019. Pour les deux premiers trimestres 2023, l’institut prévoit des niveaux toujours supérieurs à ceux d’avant-Covid-19 (17 %, puis 16,3 %).

« Un livret C, comme coronavirus »

« Cette surépargne correspond à un besoin fort et durable, analyse Alain Tourdjman, directeur des études économiques du groupe BPCE (organe central commun à la Banque populaire et à la Caisse d’épargne française). Depuis 2020, la succession de crises a donné aux ménages le sentiment qu’il fallait non seulement avoir de l’épargne de précaution, pour les coups durs, mais aussi de l’épargne d’anticipation, face à des perspectives dégradées [emploi, pouvoir d’achat, niveau de vie à la retraite…]. »

« On pourrait penser que l’inflation siphonne l’épargne, c’est le contraire. La peur que la vie coûte plus cher demain et la volonté de maintenir la valeur réelle de leur patrimoine incitent les Français et nombre d’Européens à mettre plus de côté. Les Américains ont quasiment épuisé leur cagnotte Covid. Ici, nous n’y avons pas touché », renchérit Philippe Crevel, fondateur du centre de réflexion Le Cercle de l’épargne.

« Pécule », « cagnotte », « magot » , « trésor »… cette épargne attise les convoitises, et la flécher vers des placements répondant aux intérêts du pays est devenu un leitmotiv. De quoi nous rappeler que, jadis, le mot « espargne », en vieux français, renvoyait au « Thrésor Royal, où l’on porte l’argent du Roy » (Dictionnaire de l’Académie française, 2e édition, 1718).

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Source: Le Monde