En Normandie, les pluies du printemps ne font pas que des heureux chez les agriculteurs

May 14, 2023
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Alors que la sécheresse sévit à nouveau dans le sud de la France, en Normandie c'est l'excès d'eau qui inquiète les agriculteurs ces derniers jours. Les pluies endommage les pâturages et retarde le lancement des cultures.

"Je vais vous faire une réponse de Normand. Un coup c'est trop sec, un coup c'est trop mouillé." Chaussé de ses bottes en caoutchouc, Gilbert Michel, agriculteur sur la commune de Terre-et-Marais, dans le Cotentin, arpente l'une de ses parcelles dédiées au pâturage pour ses 230 vaches laitières. Sur une large bande du terrain, l'herbe est couchée et maculée de boue. "Ce n'est plus consommable. Il va falloir plus grand de pâturage pour pouvoir compenser", déplore l'éleveur, dépité, "Si on ne fait pas ça, elles vont casser le fil pour s'échapper et aller voir ailleurs."

Alors que la sécheresse occasionne d'importantes sueurs froides dans le sud de la France, elle ne semble aujourd'hui plus qu'un lointain souvenir en Normandie, du moins dans l'esprit de notre agriculteur manchois. "En ce moment, on est plutôt embêté par l'excès d'eau", explique Gilbert Michel. "Quand on pratique le pâturage, s'il y a trop d'eau, ça provoque du piétinement. Le piétinement engendre de la perte de fourrage au sol, ça génère fatalement un déficit de production d'herbe." Et ça retarde la récolte. "En ce moment, on a un climat d'automne alors qu'on devrait être en short et récolter l'herbe. On ne peut pas le faire, d'une part, et la qualité est en train de partir. Va falloir une fois de plus s'adapter. Et quand on n'a pas le moyen de produire quelque chose de qualité, ça engendre des frais : on est obligé d'acheter à l'extérieur"

"Qu'elle tombe chez nos voisins, voire plus loin"

La semaine dernière, il est tombé 40 mm d'eau dans ce secteur déjà humide en raison de la présence des marais. "Certes, ça permet de stocker un peu d'eau. Mais ça c'est réglé (...) La nappe est reconstituée localement (...) Maintenant, ce qu'il faut c'est que la pluie cesse, ici. Qu'elle tombe chez nos voisins, voire même plus loin, là où il y en a besoin. Ici, on en a plus besoin."

Selon François Rihouet, secrétaire général de la FDSEA de la Manche, cet excès d'eau ne concerne pas uniquement le secteur des marais mais tout le département. "C'est généralisé." Généralisé à tout le territoire et à une large partie des activités agricoles. "Dans les champs en labour, il faut laisser le temps à la terre de fleurir, c'est à dire de s'assécher un petit peu", rappelle le syndicaliste agricole. "On n'a pas les conditions idéales pour implanter les cultures. Sans compter des températures un peu fraîches pour la saison. Ça ne permet pas de faire pousser correctement les plantes. On a même d'autres choses qui viennent avec comme, par exemple, d'avantage de champignons sur les légumes ou sur les céréales. On constate enfin la présence plus importante de limaces à cause du temps."

"On ne sème pas dans la boue"

Dans le hangar de l'exploitation de Gilbert Michel, des piles de sacs dorment sous des baches en plastique. De quoi semer du maïs sur 79 hectares. "C'est une alimentation incontournable pour les vaches laitières. L'herbe est certes un bon aliment mais le maïs permet d'équilibrer la ration. Sans maïs, c'est compliqué", indique l'éleveur. Le tracteur et la charrue sont eux aussi à l'abri, attendant des jours plus cléments. "Quelles que soient les graines, on ne sème pas dans de la boue. Ça ne peut pas pousser. Elles devraient être en terre, ça devrait même être levé. Aujourd'hui, on devrait être au stade de trois-quatre feuilles." Trois semaines de retard sur le planning prévu, Gilbert Michel s'impatiente. "Le rendement peut être moindre et puis ça retarde d'autant la récolte." Mais l'agriculteur en convient, "on n'est pas dans une situation dramatique, on n'est pas fin juin."

Pour l'instant, pas question de semer le maïs. • © France 3 Normandie Caen

À la FDSEA, on tente aussi de dédramatiser. "Pour l'instant, le timing est encore correct", juge François Rihouet. "On a beau avoir du matériel performant, Dame nature fait qu'il faut aller au bon moment dans les champs. Ça plus d'autres incertitudes qui existent dans notre métier, au quotidien ça peut un peu tendre les esprits, c'est clair." Des esprits qu'il faut pourtant préparer aux semaines à venir. "Ça fait partie des conditions de base de notre métier de s'adapter aux conditions climatiques. Mais c'est vrai que le cumul de choses fait que ça devient de plus en plus compliqué. Et puis là, tout le monde va se trouver prêt en même temps, ça va être des casses-têtes. Toutes les personnes qui travaillent avec nous, les entreprises de travaux agricoles, les cuma (coopératives d'utilisation de matériel agricole), les salariés, il va falloir travailler quand il fait beau, c'est à dire weekends ou jours fériés. Va falloir y aller et être compréhensif."

Source: France 3 Régions