Harcèlement scolaire : après le suicide d’une collégienne, des messages haineux perdurent en ligne

June 01, 2023
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C’est un déferlement de haine d’un genre nouveau et, sans doute, un nouveau cap franchi dans l’horreur. Trois semaines après le suicide d’une collégienne victime de harcèlement scolaire à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), celle-ci est encore salie sur les réseaux sociaux. Des messages d’une grande violence saluent sa mort ou visent sa meilleure amie. « On lui demande pourquoi elle n’a pas été là pour sa copine » et qu’elle « ferait mieux d’aller la rejoindre » , dénoncent les parents de cette dernière.

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Dans une conférence de presse organisée le 1er juin, les parents de la jeune Lindsay estiment avoir alors été lâchés de tous quand leur fille appelait à l’aide. Leur avocat a annoncé le dépôt de quatre plaintes, dont l’une contre Facebook et Instagram.

« Des individus complètement désinhibés »

Comment expliquer que de tels messages post-mortem puissent circuler ? Le député Erwan Balanant, auteur d’une loi contre le harcèlement scolaire en 2022 soupire. « Les réseaux sociaux, depuis toujours, décuplent le harcèlement car ils permettent à certains individus qui se sentent complètement désinhibés de s’exprimer, sans contact direct avec leur victime et loin de toute réalité palpable. Il me semble que l’on arrive là au stade ultime de ce processus. »

Pour autant, le député rappelle que divers garde-fous ont été posés, même s’ils n’ont visiblement pas fonctionné dans cette affaire. La loi a notamment fait entrer le harcèlement scolaire dans le code pénal, grâce à la création d’un délit spécifique. De ce fait, « ces actes sont entrés dans les cas listés dans la loi sur la confiance dans l’économie numérique de 2004 qui permet d’obliger les plates-formes à réguler et modérer », décrypte l’élu.

« Les plates-formes doivent supprimer les contenus incriminés »

« Depuis, quand un cas de harcèlement scolaire leur est signalé par les parents ou les autorités, ces plates-formes doivent supprimer les contenus incriminés », prolonge-t-il. Un numéro de téléphone a été mis en place, le 30-18. Au bout du fil, l’association E-enfance fait le lien avec les plates-formes pour assurer la protection des enfants. « Il faudrait que ce numéro soit davantage connu. Pour commencer, il devrait figurer sur tous les carnets de correspondance des élèves », admet Erwan Balanant.

Il n’existe, en tout cas, pas d’obstacles techniques au blocage de tels messages, estime pour sa part Olivier Blazy, professeur d’informatique à l’École polytechnique. S’il est compliqué pour les plates-formes de détecter elles-mêmes l’existence de tels contenus, « car elles ne les voient pas tous », rien de tel quand ces messages haineux sont rapportés par des parents ou l’autorité judiciaire. « Il est alors assez simple de poser des filtres plus forts ou bloquer temporairement tous les messages adressés à une personne », décrypte Olivier Blazy.

Pour les géants de la tech, la modération représente un surcoût

Seul problème : du point de vue des géants de la tech, cela représente un surcoût, « car mettre en place la modération intégrale d’une messagerie, signifie de confier la surveillance à une personne. Or s’il faut le faire à l’échelle mondiale, pour les dizaines de milliers de personnes harcelées en ligne, alors ça devient vite très cher pour ces entreprises. »

Pourtant, elles pourraient y être bientôt contraintes. Fin août, le nouveau plan d’action européen Digital service act doit entrer en vigueur. « À ce moment-là, si les mécanismes de modération ne sont pas mis en place, ces entreprises écoperont de sanctions européennes, calculées en pourcentage de leur bénéfice mondial. Dès lors, il ne sera plus rentable pour elles de ne pas déployer de contrôle humain », conclut l’expert.

Source: La Croix