Covid : au moins 16 000 décès dus à l'hydroxychloroquine

June 16, 2023
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Ce résultat compile les données de six pays pendant la première vague. Mais, selon les chercheurs, il reste très sous-estimé.

Alors que la pandémie de Covid-19 frappait le monde entier, diverses pistes de traitements ont été explorées par la communauté scientifique. Parmi elles, l'hydroxychloroquine a clairement divisé les camps. Rapidement, la molécule promue par le Pr Didier Raoult avait été écartée de la trajectoire médicale suite à la publication d'une série d'études rapportant des effets indésirables, voire une mortalité plus élevée après administration chez des patients. Récemment, une étude présentée devant le congrès de la société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT) le 14 juin a dressé le bilan de ces mortalités pour six pays, dont la France.

Selon ce travail mené par Jean-Christophe Lega, professeur de thérapeutique aux Hospices Civils de Lyon, l'hydroxychloroquine aurait causé la mort de plus de 16.000 personnes sur l'ensemble des six pays, à savoir la Belgique, l'Espagne, la France, l'Italie, la Turquie et les États-Unis. Pour aboutir à ce résultat, les chercheurs sont partis d'une étude parue en 2020 dans la revue Nature. Celle-ci avait estimé que le risque de mortalité était augmenté de 11% chez des patients hospitalisés à qui l'on avait prescrit de l'hydroxycholoquine.

À partir de là, l'équipe a passé au crible les bases de données publiques de chaque pays pour obtenir et comparer le taux de prescription d'hydroxychloroquine chez les patients hospitalisés, et la mortalité hospitalière. « En appliquant le taux de 11% aux données obtenues, il a ainsi été possible d'estimer le nombre de décès attribuables à l'hydroxychloroquine individuellement par pays », a expliqué Jean-Christophe Lega lors du congrès.

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« C'est un énorme scandale»

En France, la prise d'hydroxychloroquine aurait ainsi causé la mort de 199 patients hospitalisés. Les chiffres oscillent considérablement d'un pays à l'autre, allant de 95 pour la Turquie à 1895 pour l'Espagne, pour le continent européen. Aux États-Unis, l'estimation atteint 11.890 décès. « C'est un énorme scandale car toutes ces morts sont inacceptables. Elles étaient évitables », s'insurge Mathieu Molimard, chef de service de pharmacologie médicale au CHU de Bordeaux et membre de la SFPT. On note aussi des écarts importants concernant le taux de prescription moyen d'hydroxychloroquine, qui varie de 16% en France à 84% en Espagne. Concrètement, en France, environ 16 patients hospitalisés en urgence sur 100 auraient reçu un traitement contenant la molécule.

« Le pire est que ces chiffres sont clairement sous-estimés », poursuit Mathieu Molimard. Pour cause, l'étude a uniquement porté sur la première vague de Covid et ne tient compte que des décès en milieu hospitalier, ce qui laisse passer à la trappe l'ensemble des personnes ayant reçu un traitement à l'hydroxychloroquine chez eux. Enfin, il est probable que, dans l'urgence, les déclarations du nombre de personnes s'étant vu prescrire la molécule controversée aient été négligées.

Si l'hydroxychloroquine reste un traitement de choix dans le cadre d'autres pathologies comme le lupus, son mésusage pendant le Covid aurait donc bel et bien contribué à faire augmenter le bilan des décès, déjà considérable. Selon Mathieu Molimard, « c'est un message dramatique sur les déviances pouvant découler de la recherche et notamment des essais cliniques « sauvages » réalisés sur des patients en France pour ce qui concerne l'hydroxychloroquine».

Source: Le Figaro