Procès de Damien Rieu à Lyon : ses tweets sont "diffamatoires, abjects et grotesques” selon le procureur
Une trentaine de sympathisants étaient présents pour lui montrer leur soutien. Damien Rieu, ex-leader identitaire lyonnais, se décrit aujourd’hui comme un lanceur d’alerte qui souhaite interpeller l’opinion sur les dangers de l’islamisme. Selon le Parquet, il serait allé trop loin en automne 2020 en publiant une série de tweets accusant Karim Benzema d’entretenir une sympathie à l’égard du djihadisme.
Damien Rieu chercherait-il à éviter la justice ?
La séance a commencé par un interrogatoire musclé de Damien Rieu par la présidente de la chambre qui lui reprochait notamment de ne pas avoir répondu aux précédentes convocations que le tribunal lui avait adressées en début d’année. "Je suis désolé, je ne me rappelle plus de la chronologie des faits”, a-t-il répondu placidement.
“Je change souvent d'adresse, ce qui se passe quand on est menacé comme je le suis”, a-t-il rajouté en référence aux milliers de menaces d’agression ou de mort auquel il fait face en ligne.
A nouveau incriminé par l’avocat de Karim Benzema à ce sujet, Damien Rieu s’est montré plus ferme. "J'ai toujours répondu à mes multiples convocations, je ne fuis pas la justice". En effet, Rieu fait actuellement l’objet de plusieurs instructions judiciaires, pour d’autres faits de diffamation. Un véritable “harcèlement judiciaire”, selon lui.
Dans la salle, les deux avocats s’écharpent et les piques fusent à ce sujet qui traîne en longueur, sous l'œil courroucé du tribunal. "On vous laisse ou on reste ?", a alors lancé la présidente devant une salle d’audience rendue hilare.
Deux tweets lui étaient particulièrement reprochés, ce mardi, en salle d’audience. Dans le premier, une juxtaposition de photos montrant Karim Benzema pointant l’index vers le ciel, aux côtés d’autres photographies présentant des soldats de Daesh effectuer le même geste. La légende : “Je crois que Karim Benzema veut nous faire passer un message”.
Dans la deuxième publication, une photographie montrant le natif de Bron et formé à l'OL aux côtés de l’imam de Maux qui avait fait l’objet d’une perquisition de police dans le cadre de l’assassinat de Samuel Paty.
Par exemple je vois qu’il fréquente l'imam Nourdine Mamoune, perquisitionné par la police après l'assassinat de Samuel Paty.
J'ai partagé cette info sur Twitter pour vous informer… et je suis maintenant poursuivi en justice par Benzema. ⚖️ pic.twitter.com/Typp8vi0Jf — Damien Rieu (@DamienRieu) June 20, 2023
Karim Benzema avait donc décidé de porter plainte pour diffamation publique. Son avocat et représentant dans la salle ce mardi, Maître Sylvain Cormier, n’a pas ménagé le prévenu.
Des tweets "diffamatoires, abjects et grotesques" selon le procureur
"En vérité nous avons affaire à des idéologues qui ont désigné tout musulman un tant soit peu connu comme cible. Sous la France de Vichy on dénonçait les judéo-bolchéviques, aujourd'hui on dénonce les islamo-gauchistes", affirme Me Cormier, en désignant Damien Rieu. Selon l’avocat, les tweets de Damien Rieu sont la preuve d’une "campagne programmée, récurrente, de diffamation et de salissure", à l’encontre de son client.
"Qu'est-ce qui nous dit qu'une personne faible d'esprit (...) ne va pas commencer à y croire (aux allégations de Damien Rieu concernant Benzema, ndlr) et prenne ensuite Karim Benzema pour cible ?", a rajouté l’avocat, avant de déclarer que les "terroristes d'extrême droite existent aussi, (...), ils ensanglantent l'Europe aussi".
Finalement, l’avocat de Karim Benzema a demandé au tribunal de condamner Damien Rieu à verser le montant important de 40 000 euros de dommages et intérêts au footballeur et a demandé le remboursement des frais de justice de son client à hauteur de 3000 euros.
Le procureur de la République, pour des tweets qu’il qualifia de “diffamatoires, abjects et grotesques”, a requis quant à lui une peine amende de 10 000 euros.
Une brillante défense sera-t-elle suffisante pour faire relaxer Rieu ?
Parole à l’avocat de la défense ensuite, Pierre-Vincent Lambert, grand habitué des procès intentés contre l’extrême-droite qui prennent souvent un tournant politique et échaudé. Ce dernier s’est d’abord félicité que le procureur admette lors de sa réquisition que le premier tweet n’était pas diffamatoire.
Me Lambert a ensuite conclu l’échange de piques avec son confrère en assénant le coup de grâce dans cette joute verbale. Alors que Me Cormier avait confondu l’imam de Maux et celui de Bron dans sa plaidoirie, Me Lambert rétorqua : "il doit y avoir des centaines de kilomètres entre les deux, mais ce n’est pas grave, les détails factuels n'ont pas l'air de vous intéresser".
L’avocat a alors exhorté le tribunal à se remémorer l’époque à laquelle son client avait publié sur Twitter. "Vous êtes obligés de tenir compte du contexte de ces tweets".
Un “like” de Karim Benzema sur Instagram, quelques jours après l’assassinat de Samuel Paty, avait particulièrement posé question à Damien Rieu mais également à la presse toute entière.
Le footballeur avait, quelques jours après la mort du professeur et quelques jours avant les tweets de Rieu, aimé une publication Instagram du champion dagestanais de MMA, Khabib Nurmagomedov, qui semblait justifier l’assassinat de Samuel Paty en de sybillins termes islamiques.
"Qu'Allah fasse descendre son châtiment sur celui qui empiète sur l'honneur du prophète", pouvait-on notamment lire dans la publication de Khabib. Une phrase que Damien Rieu a fait imprimer sur un tee-shirt afin de l'exhiber à sa sortie d'audience.
Un comportement questionnable et polémique du footballeur qui avait poussé l’ex-leader identitaire à tweeter à son sujet. "Jamais il (Benzema, ndlr) ne s'en excusera, jamais il ne s'en expliquera, jamais il ne retirera son like, comme d'autres (footballeurs) ont pu le faire", déclama alors l’avocat de Damien Rieu, selon qui les tweets de son client ne relèvent absolument pas de la diffamation.
Le jugement, mis en délibéré, sera rendu le 19 septembre.
Si l’avocat de la défense s’est illustré par ses grandes connaissances juridiques en matière de diffamation, peu sont ceux qui, à la sortie de la salle, entretiennent l’espoir que l'ancien leader de Génération Identitaire ne sera pas condamné par la 6e chambre dans trois mois.
Malgré tout, le prévenu aura été accueilli par un petit tonnerre d’applaudissements de la part de ses fans à sa sortie de la chambre du tribunal.
10 000 euros requis contre @DamienRieu à Lyon, poursuivi pour diffamation par @Benzema. L'ancien membre de Génération identitaire sort sous quelques applaudissements au tribunal, @Bruno_Attal_ est venu en soutien pic.twitter.com/MtdgVdT5gK — Lyon Mag (@lyonmag) June 20, 2023
J.B.
Source: Lyon Mag