l’analyse technique McLaren

F1i
July 11, 2023
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Pourquoi la McLaren est-elle devenue aussi performante ce week-end à Silverstone ? Plusieurs facteurs ont joué, que nous expliquons ici en images.

McLAREN INTRODUIT UN NOUVEL AILERON AVANT…

Sans Red Bull, la saison 2023 de Formule 1 serait l’un des plus disputées qui soit. La forme des autres monoplaces ne cesse en effet de varier d’un Grand Prix à l’autre. Jusqu’à présent, Aston Martin, Mercedes et Ferrari se disputaient le titre de dauphin du Taureau ailé. À Silverstone, toutefois, c’est McLaren MCL60 qui a émergé comme la deuxième monoplace la plus rapide, derrière la fusée Red Bull. Comment Woking a-t-elle pu décrocher un podium, qui aurait pu être dédoublé ans l’intervention de la voiture de sécurité ?

En simplifiant, deux facteurs ont joué ce week-end : les améliorations apportées au châssis et les caractéristiques du circuit de Silverstone, associées aux conditions climatiques. Ensemble, ces deux paramètres ont décuplé les performances des oranges mécaniques. Examinons cela en détail.

Premièrement, donc, la MCL60 est en mutation depuis le Grand Prix d’Autriche, où elle a reçu notamment de nouveaux pontons, inspirés de ceux d’Aston Martin et de Red Bull. À Spielberg, Lando Norris s’était qualifié au quatrième rang et avait conservé cette position jusqu’à la ligne d’arrivée, devant une Aston Martin, une Ferrari et les deux Mercedes.

La progression s’est confirmée en Grande-Bretagne, où Oscar Piastri a également reçu la carrosserie révisée. Mais seul son équipier a bénéficié du nouvel aileron avant, retouché subtilement mais significativement. Comme on le voit sur l’image ci-dessus, son profil est plus plat (comparez les traits jaunes), alors que les ajusteurs des volets supérieurs ont été déplacés vers l’extérieur (flèches vertes).

… ET GAGNE EN EFFICACITÉ AÉRODYNAMIQUE…

Par ailleurs, la façon dont les volets s’attachent à la dérive latérale a complètement évolué : les “flaps” sont désormais presque détachés de la dérive et s’y fixent par des pièces métalliques, qui dirigent le flux d’air davantage vers l’extérieur (selon un dessin imaginé par Mercedes l’an passé).

Il s’agit ici de produire un effet d’“outwash” : les vortex (tourbillons) ainsi générés dans le sillage de l’aileron “soufflent” vers les côtés et entraînent avec eux les turbulences créées par la rotation des roues avant. Cet air sale est ainsi éloigné du fond plat, qui fonctionne mieux.

Ces perfectionnements ont permis à la McLaren de conserver sa vélocité dans les courbes rapides (comme Copse, Chapel et Stowe) tout en diminuant sa traînée. La MCL60 a gagné en efficacité ‒ ou finesse ‒ aérodynamique : elle produit de gros appuis mais sans générer excessivement de traînée (l’Aston Martin, à l’inverse, produit beaucoup de charge, mais en même temps énormément de traînée, ce qui particulièrement pénalisant à Silverstone).

… MAIS À GRÂCE DES CIRCONSTANCES FAVORABLES

Ces révisions consécutives (ci-dessus l’évolution apparue à Spielberg) semblent avoir atténué en partie deux autres points faibles de la McLaren : sa tendance à dégrader ses pneus et son instabilité dans les virages lents. Mais en partie seulement… La MCL60 manque d’équilibre dans les virages lents : elle ne parvient pas à combiner une rotation rapide à l’entrée avec une stabilité à l’intérieur du virage. Heureusement, les virages lents sont très rares à Silverstone.

Précisément, et c’est le second facteur, le circuit anglais a plutôt flatté les traits de la MCL60. Le tracé récompense en effet les bolides agiles dans les courbes rapides (il pardonne aussi beaucoup aux bolides rapides en ligne droite mais lents dans les rares virages serrés, comme la Williams).

En outre, la fraîcheur de la piste samedi et dimanche (25 °C) a empêché les gommes de surchauffer, ce que la MCL60 a tendance à faire lorsqu’il fait plus chaud (ce qui explique pourquoi elle se qualifie plutôt bien mais recule en course).

McLAREN RESTE LUCIDE…

On le voit, la deuxième place de Lando Norris et la quatrième position d’Oscar Piastri s’expliquent par l’addition des gains dus au développement avec les bénéfices liés aux conditions particulières du week-end, comme l’a souligné le sympathique Andrea Stella :

“Il y a clairement des similitudes [entre ici et Barcelone]. Des courbes négociées à haute vitesse, des températures fraîches, des pneus tendres (le C3 comme en Espagne) : notre voiture aime ce genre de conditions. Le train arrière trouve une adhérence qui nous manque parfois quand il fait plus chaud.”

“Clairement, les conditions ont joué en notre faveur. Mais nos progrès viennent aussi des améliorations apportées à la voiture. On peut les mesurer en termes d’appui et, de ce point de vue, nous sommes maintenant relativement compétitifs dans les certains virages lents. Cela se voit dans les traces GPS. Il s’agit donc d’une combinaison de circonstances et d’améliorations.”

On se souvient qu’à Barcelone, les performances de la MCL60 s’étaient effondrées en course : qualifié en troisième position, Norris avait eu du mal à garder le rythme (même si un contact avec Lewis Hamilton avait ruiné sa course en l’obligeant à rentrer au stand).

Cela n’a pas été le cas en Autriche ni en Grande-Bretagne, signe que les progrès de Woking sont réels.

La capacité de la MCL60 à chauffer rapidement ses gommes a même été un avantage après le deuxième départ. Pourtant chaussée de gommes tendres, la Mercedes de Lewis Hamilton (qui étrennait un nouvel aileron avant, ci-dessus) n’est pas parvenue à rattraper la McLaren dans les courbes rapides, même avec le DRS.

… COMME SON PILOTE VEDETTE

La MCL60 est-elle pour autant devenue une fusée ? Certainement pas, nuance Lando Norris :

“Ce type de circuit nous permet de bien gérer nos pneus. Nous sommes très compétitifs dans les virages rapides : presque aussi bons que Red Bull dans certaines courbes, comme à Stowe. On n’était pas aussi bien à Copse, mais on a gardé notre vitesse en course, alors que d’autres ont reculé. En outre, l’absence de dégradation thermique [à cause des températures fraîches] nous a aidés.”

“Mais par ailleurs, nous avons une mauvaise voiture – je devrais dire une horrible voiture – dans les virages lents. Elle est très difficile à piloter. Les dernières évolutions ont résolu 30 % de nos faiblesses en ajoutant de l’appui et en la rendant plus rapide. Mais il reste 70 % à résoudre, qui tiennent à des caractéristiques inhérentes à notre façon de construire nos voitures depuis cinq ans.”

“Je peux comprendre l’enthousiasme général, mais les prochains circuits ne nous seront pas aussi favorables. Nos progrès sont réels, mais nous sommes encore loin de pouvoir nous battre avec les Mercedes sur certains tracés, sans parler des Red Bull. Il reste beaucoup de pain sur la planche. Nous savons ce qu’il faut faire, mais c’est compliqué et cela prend du temps.”

L’objectif, à terme, est de rendre la monture de Norris et Piastri moins dépendante des conditions.

Outre l’aileron avant dévoilé ce week-end (aussi modifié sur l’Alpine), d’autres nouveautés apparaîtront dans quinze jours en Hongrie, suivant un programme de développement soutenu. À Budapest, la peau de carbone de la MCL60 sera donc totalement différente de sa première carrosserie dévoilée en février. Il y a cinq mois, on n’aura pas donné cher de la peau de McLaren.

En Formule 1, la cosmétique n’est pas superficielle.

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Source: F1i