Egypte : trois ans de prison pour le chercheur Patrick Zaki, qui a dénoncé les discriminations contre les chrétiens
Le chercheur égyptien Patrick Zaki, le 21 juin 2022. MOHAMED EL-RAAI / AFP
Le chercheur égyptien Patrick Zaki a été condamné, mardi 18 juillet, à trois ans de prison pour « fausses informations » à cause d’un article qu’il a écrit, dénonçant les discriminations contre les chrétiens en Egypte, en plein « dialogue national » censé donner une voix à tous.
Libéré en décembre 2021 après vingt-deux mois de détention préventive, M. Zaki était présent mardi à l’audience au tribunal d’urgence de la sûreté d’Etat à Mansoura, une ville située à 130 kilomètres au nord du Caire. Il y a été arrêté et aussitôt emmené en prison, a précisé Hossam Bahgat, fondateur de l’Initiative égyptienne pour les droits personnels (EIPR).
Comme le procès du militant copte des droits humains s’est tenu devant une cour d’exception, il n’est pas possible d’interjeter appel.
M. Zaki encourait jusqu’à cinq ans de prison pour avoir publié, en 2019, un article sur un journal en ligne racontant une semaine de violations des droits des coptes, la plus importante minorité chrétienne du Moyen-Orient à laquelle appartiennent 10 à 15 % des 105 millions d’Egyptiens. Chercheur au sein de l’EIPR, M. Zaki avait été arrêté en février 2020 pour « terrorisme » à son retour d’Italie, où il étudiait à l’université de Bologne.
En prison, M. Zaki, dont le Sénat à Rome a voté pour lui accorder la nationalité italienne, a été « frappé et torturé à l’électricité », assurent des défenseurs des droits humains.
Sa condamnation en plein dialogue national – lancé au début de mai par le président, Abdel Fattah Al-Sissi, pour discuter de tous les sujets délicats à moins d’un an d’une élection présidentielle – a suscité l’indignation dans les rangs des militants des droits humains.
« La farce du dialogue national »
L’avocat Negad El-Borai a annoncé sur Twitter se « retire[r] totalement des travaux » de ce dialogue dont il était l’un des coordinateurs. « La condamnation de Patrick Zaki (…) rend inutile ma présence, écrit-il, je m’excuse de cet échec. »
Sa consœur Mahienour El-Massry a, elle, dénoncé un verdict rendu « en pleine propagande pour le dialogue national » et appelé à un « retrait » de « la farce du dialogue national » pour ne pas « donner aux autorités le bâton pour se faire battre ».
Pendant les trois décennies de règne de l’autocrate Hosni Moubarak (1981-2011), les libertés étaient restreintes pour les intellectuels, mais elles ont encore diminué depuis l’arrivée au pouvoir d’Abdel Fattah Al-Sissi, en 2014. L’Egypte occupe les derniers rangs du classement des libertés universitaires dans le monde, établi par l’Academic Freedom Index, aux côtés de l’Arabie saoudite, de la Turquie ou de la Chine.
Depuis 2014, les autorités mènent une répression impitoyable contre les universitaires, mais aussi les journalistes, artistes, avocats, syndicalistes et autres militants politiques. Des centaines d’étudiants et d’universitaires ont été arrêtés dès 2013, et une douzaine de chercheurs sont en prison pour leur travail, selon les ONG.
En 2016, l’affaire du jeune chercheur italien Giulio Regeni, retrouvé mort au Caire, son corps mutilé, avait créé un malaise dans le milieu de la recherche en Egypte. Rattaché à l’université de Cambridge, il travaillait sur les syndicats, sujet très sensible en Egypte.
Abdel Fattah Al-Sissi a été le premier dirigeant égyptien à nommer un copte à la tête de la Cour constitutionnelle. Il est aussi le premier président à assister chaque année à la messe de Noël. Malgré ces symboles, les militants coptes assurent régulièrement être victimes de discriminations, pointant des difficultés notamment pour accéder à la fonction publique.
Source: Le Monde